Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR.
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Sujet: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 15:48
09:00, dans les coulisses du cabaret Araskov une voix s'élève, grave, basse. Le son envoute, berce. On s'arrête et écoute avec ravissement ce flot tranquille de mots, de phrases. Il y a peu de monde ; l'effervescence est pour plus tard. Quelques employés ici, quelques techniciens là. D'ailleurs, c'est un serveur qui fit découvrir l'endroit au lecteur. L'endroit, c'est une passerelle, utilisée d'ordinaire par les employés du cabaret. Le lecteur, c'est François Sevigné, poète à ses heures perdues. Il est tranquillement allongé, un main derrière la tête, l'autre tenant un livre. Ses lèvres remuent, et voici les mots qu'elles laissent allègrement filer :
« Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront: "Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
La lecture terminée, un silence s'installe. Comme religieux, après un discours si vivant et vécu. Le lecteur ressent ses paroles au plus profond de lui, il les lit, il les laisse partir, et il les retient. Les mots sont là, tout autour de lui. Il ferme le livre, adore Baudelaire. Le poète se redresse, allume un cigare. Ses cheveux sont ébouriffés, comme après une nuit d'amour. Il s'amuse un instant avec la fumée. Puis arrête. Le garçon regarde vers la scène. Quelques danseuses viennent d'y poser le pied. Elles s'échauffent, il les regarde, attentif.
Il se lasse, assez vite. François décide de descendre de la passerelle. Le jeune bourgeois aime ce lieu, peu fréquenté. Lui, il peut s'y poser, tranquille, tel un oiseau. Et comme l'oiseau, il regarde, il cherche. Les proies. Quand il n'est pas satisfait, il s'envole. Lui, il descend. Il circule entre costumes, décors, et le garçon aime cette atmosphère. Presque irréelle. Le Cabaret est un autre monde. Il suffit d'y entrer pour être changé. Le poète se dirige vers le deuxième étage, et s'installe dans une loge. Il est rejoint par Gabriel Ford, le serveur qui lui avait fait découvrir le lieu. Ils se saluent, entament une conversation. François regarde le jeune homme. Il le trouve d'une beauté si jeune, si vivifiante. Ses yeux s'attardent sur ses lèvres qui remuent, qui se ferment et qui s'entrouvrent à nouveau. Le poète ne peut le nier, il est charmé, complètement. Il glisse quelques mots, absorbés dans sa contemplation. La première fois que Sevigné avait rencontré le serveur, il l'avait trouvé niais et inintéressant. Quelle ne fut pas son erreur. Outre passé une réserve, Gabriel se dévoile, un peu. Il n'est jamais dans l'excès. Ou presque. Le garçon n'est pas si naïf que cela. Son silence n'est pas pesant, mais apaisant. Il observe, beaucoup, et bien. Il y a des ces gens qui considèrent ce qui les entoure sans en tirer une quelconque conclusion. Ce n'était pas le cas du serveur. Ses connaissances et sa culture étaient très riches, cela dût en majeur partie à son éducation et ses réflexions personnelles. Et peu de gens connaissait les origines de Gabriel. Ce dernier est d'une discrétion parfaite en ce qui concerne sa vie privée. Il vaut mieux, d'ailleurs L'anglais, aux yeux de beaucoup, incarne l'innocence... Qu'il n'y a-t-il pas de plus érotique que l'innocence ? Mais au fond, le garçon n'est pas si angélique que cela... Même si il est doux de le croire. Gabriel s'aperçoit que son ami ne l'écoute pas. Un sourire se dessine sur ses lèvres sensuelles, il croise son regard quelque peu enflammé. Gabriel détourne le regard, gêné. Gêné d'avoir deviné les émotions du poète. Car Gabriel n'avait jamais été dupe quant à l'attention que lui portait François. Même si leurs débuts avaient été assez houleux. Les deux jeunes gens s'étaient accordés sur une relation amicale, d'ailleurs, ils étaient de très bons amis. Mais parfois, comme ce jour-là, l'attirance reprenait le dessus. Le serveur anglais porta son attention sur la scène, sur laquelle chanteurs et danseurs se préparaient.
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 16:39
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 17:34
Tard, bien plus tard, Gabriel était à son poste. Dans son travail, il était irréprochable ; toujours à l'heure, impeccablement habillé, poli et agréable. Oui, vraiment, les clients aimaient ce jeune garçon charmant, qui effectuait convenablement son service. Les pourboires étaient donc en conséquence. Mais au fond, ils ne savaient pas qui était ce Gabriel. Anglais, cela était certain, son accent était reconnaissable parmi mille. On ne lui prêtait aucune relation amoureuse, et cela occasionnait quelques déceptions. De la part des commères, et des prétendantes. Le jeune homme semblait intouchable, inaccessible. Pourtant, il était bien là, souriant et posant ces cocktails... Un peu distant, peut-être. Cela faisait, assurément, partie de son charme. Le garçon filait, au travers des tables, adroit. Il posait des verres, en récupérer des vides, prenait des commandes, et tout cela, dans une parfaite harmonie de sourires et de phrases charmantes. Voilà qu'il s'occupait d'une femme à la beauté intacte malgré son âge avancé. Gabriel la connaissait bien, Sasha était une habituée du cabaret, toujours présente pour les grandes occasions. La réouverture du cabaret en était une. Le serveur la considéra un instant, avant de lui offrir ses services. Éblouissante dans sa robe jersey, qui dévoilait plus qu'elle ne cachait, elle commanda un porto. Mais jamais Sasha ne frisait le vulgaire ou l'indécent. Non, elle naviguait habilement entre, et Gabriel ne comptait plus le nombre d'hommes qui s'étaient jetés à ses pieds. Elle lui fit un clin d'oeil, se baissant adroitement pour que le garçon ait une vue... plongeante. Il s'agissait d'un jeu entre eux, la cliente qui charmait le charmant serveur. Mais ce dernier ne se laissait point impressionner, il avait déjà croisé sur sa route de bien belles créatures. Il quitta Sasha, prit deux autres commandes et se dirigea vers le bar. Le jeune homme frôla Robert, mais absorbé dans ses pensées, il ne vit pas. Pourtant, Gabriel aurait dû sentir cette présence familière, cet odeur de tabac, de parfum haut de gamme et d'un peu de sexe qui émanait de son amant. Mais non, le jeune homme était distant, ailleurs.
― Gabriel, mon joli Gabriel... Quel plaisir de vous revoir ! S'exclama Sasha, l'œil allumé. Et c'est sans vergogne qu'elle dévorait le garçon des yeux. Gabriel, stoïque et amusé, ne broncha pas sous ce regard intense, avant de déclarer : ― Vous savez bien que tout le plaisir est pour moi, Sasha. ― Oh, arrêtez, je sais bien que vous dîtes cela à toutes les belles personnes, rétorqua la femme, empruntant une mine outrée et renfrognée. ― Seulement à celles qui vous ressemblent, Sasha, répondit adroitement le serveur. ― Hm, voilà qui est bien dit... Mais dîtes-moi, mon cher, n'avez-vous point une quelconque amie ? Demanda Sasha, avide de connaître la réponse. Elle ne manquait jamais de lui poser cette question, qui la laissait ignorante. Plusieurs personnes aux alentours attendirent la cliente, et ils se retournèrent vers eux. ― Madame, si j'avais une amie, je ne pourrais passer autant de temps avec vous. Oh, veuillez m'excuser, on m'appelle.
Et voilà comment le garçon s'en tira. Ce soir-là, il n'avait pas usé de ses stratagèmes coutumiers, un peu lassé de ces questions, de ces personnes curieuses. Oui, le jeune homme était fatigué. Sa cousine venait de quitter Saint-Pétersbourg, et Mary lui avait annoncé quelques mauvaises nouvelles... Son front était plissé, signe que Gabriel était tourmenté. François, qui était dans la salle, avait remarqué ce pli soucieux sur le visage de son ami. Le bourgeois l'avait arrêté en posant sa main sur son bras. ― Gabriel, quelque chose ne va pas ? Le serveur se perdit dans le regard bleuté de son ami. Les deux jeunes gens se fichaient des regards posés sur eux, seul celui de François comptait pour Gabriel. ― Je... j'ai eu des nouvelles du pays... Murmura-t-il, avant de filer. Le jeune homme, ne s'en randant pas compte, allait à l'encontre de Maria et de Robert. Il surprit leurs dernières paroles, et leva un sourcil réprobateur. Maria se tourna vers lui, un grand sourire aux lèvres, les yeux illuminés : ― Ah.. C'est toi Gabriel... Le jeune homme ne répondit pas à une telle remarque, aussi inutile qu'absurde. Gabriel posa son regard assombri sur son amant, le saluant brèvement.
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 18:07
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 19:44
Il est bon de parler et meilleur de se taire. C'est pourquoi le garçon se contenta de passer devant Robert, en détournant le regard. Après tout, savoir parler a toujours été savoir se taire, et Gabriel l'avait compris. On s'étonnait encore de le voir si silencieux. Pourtant, les gens devraient s'en rendre compte, conversation et éloquence ne sont guère synonymes. Il s'accorda une petite pause, quittant la grande salle surchauffée pour un couloir désert. Enfin, il pouvait respirer, et se débarrassait de son sourire de façade. Gabriel s'appuya de tout son long contre le mur et ferma les yeux, appréciant ce moment de calme après tant effervescence. Le jeune homme sentait encore l'intensité du regard de son amant posé sur lui... Deux mois, deux mois qu'ils s'étaient quittés. Mais quelle séparation... Un délicieux trouble s'empara du garçon. Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour, même charnel. Mais il y avait ce poison, l'oubli... Gabriel, en découvrant les merveilles de Moscou, avait-il chassé l'image de Robert dans son esprit ? Gabriel, en se rendant à la bibliothèque nationale, avait-il pensé seulement à cette charmante étudiante ? Avait-il désiré son corps plus qu'aucun autre ? Avait-il pris plus de plaisir ? Non.
Si le sentiment amoureux se mesurait à l'ampleur du manque, à l'état fiévreux dans lequel l'absence de Robert avait plongé Gabriel, alors, on n'aurait pu douté de la sincérité de son attachement. François avait accompagné le garçon lors de son voyage à Moscou, cela les avait fortement rapproché. Le poète sentait bien que son ami éprouvait une affection pour quelqu'un dont il ignorait l'identité, et il était assez fin pour ne pas l'interroger. Mais un soir qu'ils se promenaient dans les rues animées de la capitale, et qu'ils parlaient d'amour, voici quel propos tint Gabriel à cet égard : « L'ardeur ne se mesure pas à la quantité de fois de faire l'amour ; l'amour est tout le long des jours, dans la quiétude du silence, dans le sourire, le ton de la voix, dans l'absence, l'éloignement ». François avait été troublé par ce discours, touché par cet accent de vérité. Gabriel était pour lui ce qu'était la muse au peintre, une source d'inspiration infinie.
Au retour de son voyage, le serveur avait pensé à Robert, à ce qu'il avait pu faire, avec qui... Jalousie ? Certainement pas. Il n'avait pas ce manque d'estime pour la personne aimée. Elle aurait aveuglé le coeur de Gabriel, il aurait cru ce qu'il aurait craint... Dans son libertinage, ce sentiment lui paraissait si absurde. Mais il y avait l'autre jalousie, qui éloignait l'indifférence et qui se confondait avec le désir.
François vint le tirer de ses réflexions, et Gabriel se confia à lui. Les deux amis revinrent dans la salle, bras dessus, bras dessous. La conversation avait pris un ton plus léger, plus badin. Le garçon aimait cela chez François, sa facilité à détendre les gens. Ce qui énervait le plus Gabriel, c'est le fait que ses parents pensaient encore pouvoir gérer sa vie... Mais ils se trompaient lourdement. Un sourire flottait à maintenant sur ces lèvres, après avoir suivi des yeux son ami qui partait s'installer sur un siège. Il attendit vaguement la voix de son amant, mais il ne bougea pas un muscle. Et puis, Maria se ruait déjà sur lui. Le garçon se retint de rire avant d'essuyer quelques verres, non loin d'eux. Sa collègue lui demanda la boisson de la liqueur demandée, et s'avança vers elle la bouteille en main, il fit d'un ton désinvolte : ― A ce rythme là, j'aurais très bien pu m'en occuper moi-même. La jeune femme le regarda, surprise de ses mots prononcés d'un ton indifférent, et amusé. Elle bafouilla quelque chose, rougit, et s'empressa d'aller à l'autre bout de la salle. Gabriel la suivit des yeux tranquillement, avant de les poser sur Robert. Il attrapa un verre, versa le liquide dedans, puis le tendit vers son amant. ― Vous leur faîtes un bien drôle d'effet, sir.
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Sam 30 Oct - 20:12
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mar 2 Nov - 0:16
« Mon cœur, si doux à prendre... Entre tes mains. Ouvre-le, ce n'est rien qu'un peu de cendre. Robert... Face à tous ceux qui te dévorent, aimer est plus fort que d'être aimé, non ? Car je te désire jusqu'à la déchirure... Désirer, même trop, même mal. Pour être à toi, pour que tu sois mien... Est-ce malsain, de vouloir cela ? Orgueilleux ? Je ne sais que trop... Tu me rends fou, toi, ta manie des cigarettes, des alcools forts, tes cheveux rebelles, ton regard... Oh, ne me regarde pas ainsi, pas maintenant. As-tu conscience de l'effet que tu me fais ? Aussi vif et troublant qu'au premier jour de notre rencontre... A quoi il sert cet amour qui est en nous ? Dis moi, vraiment ? Appelle-le comme tu veux, désir passion... Si c'est pour personne à qui on l'avoue. Nous vivons à moitié, je vis à moitié, et nous sommes deux. Je suis pendu à ton cou. Dans les plus beaux de mes rêves Mais je ne me réveille jamais près de toi. Et j'en crève. »
Les pensées de Gabriel se suivaient les unes des autres, comme dans une suite logique. Pourtant, il n'y avait rien de très clair là-dedans. Non, c'était même le gros foutoir, le gros bololo. Après ce monologue intérieur, le garçon avait repris contact avec la réalité. Il avait dû sembler un peu perdu, un peu étonné, il avait toujours cet air là. Ses yeux avaient fixé deux bonnes minutes une bouteille d'alcool, quelle contemplation... Le jeune homme les relève, croise ceux de son amant. Il ne va pas tenir jusqu'à la fin de son service, non, pas avec cette proximité, cette tentation... Comme son père le disait souvent, « A la guerre, comme en amour, le corps à corps seulement donne des résultats ». Et son fils en était totalement convaincu. D'ailleurs, il sentait ce trouble délicieux le prendre, sous ce regard. Il a d'ailleurs un peu de mal à avaler sa salive.
― C'est peut-être la pleine lune, beaucoup de personnes ont l'air d'être plongées dans cet état...
Le rouge monta légèrement aux joues du serveur, pour bien différentes raisons, qui convergeaient toutes vers un point, l'homme confortablement installé en face de lui. Le jeune homme prépara plusieurs cocktails, il aimait beaucoup en préparer. Et d'ailleurs, ses boissons étaient appréciées au cabaret. Il fredonna une chanson en français, sans s'en rendre vraiment compte :
« Qu'importe le temps... Qu'emporte le vent... Mieux vaut ton absence... Que ton indifférence. »
Son accent, ou plutôt son non-accent, était tout à fait adorable. Cela s'accordait très bien avec sa voix basse et posée, qui était très douce à l'oreille. Gabriel avait encore du mal avec la prononciation du « r » russe. Le garçon pensa soudainement à son ami François et une de ses phrases fétiches : « Jusqu'à présent, je n'avais fait de déclaration d'amour qu'à des femmes que je n'aimais pas ; alors je m'en tirais très bien. ». Cela le fit sourire. Le jeune homme aperçut une collègue au loin, qu'il avait couvert pour un soir. Il était temps de rendre la pareille. Gabriel s'approcha de la jeune femme, lui glissa quelques mots à l'oreille, et comme elle était une honnête fille, accepta de prendre le service du garçon. Le serveur revint vers Robert.
― Vous ne travaillez pas ce soir ?
Ou comment demander : On se voit ce soir ?
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mar 2 Nov - 1:29
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mar 2 Nov - 23:46
Gabriel aimait particulièrement quand Robert jouait ainsi avec la fumée de cigarette. En le regardant, ou plutôt, en le dévorant des yeux, le jeune homme en venait à envier cette cigarette, logée sur les lèvres entrouvertes de son amants. Ces lèvres, promesses d'un plaisir certain... Il les revoyait, tantôt sur son cou, tantôt dans ses cheveux. Le serveur baissa les yeux, se contentant d'essuyer quelques verres. Un léger sourire flottait sur ses lèvres. Il se mit à écouter, attentif aux paroles prononcées par son amant. Le jeune anglais relève la tête, une lueur de ravissement dansait dans le fond de ses prunelles sombres. Ses yeux symbolisaient tout à fait son être, pur et innocent, passionné et aimant. Oui, ce garçon était l'innocence même dans ce qu'il y a de plus beau et de plus désirable. Il donnait à ses paroles, à ses gestes et ses sourires cette fraîcheur si peu commune, si rare et recherchée. Celle des premières sensations, des premiers vertiges, c'était pourquoi Gabriel ne lassait jamais dans ses propos ou ses actes, non, il proposait une renouvellement de sa personne, de la vision des choses. Le jeune homme était pur, oui, il avait ce pouvoir là, de contempler la souillure sans s'y mêler. Cette vertu, car il s'agissait bien de vertu, lui apporter joie dans la douleur, gaîté dans l'égarement. Cette pureté, accompagné de sa simplicité si charmante et envoutante, étaient les deux ailes qui lui permettait de s'envoler au dessus des hommes, de rêver de passions brèves et enflammées. Oui, le garçon avait encore cette faculté si rare qui était de songer, d'errer dans le pays des rêves, sans s'y égarer. Ce serveur sage en même temps qu'honnête se devait à lui-même de joindre à la pureté qui satisfaisait sa conscience, la prudence qui devinait et prévenait la calomnie. Car le jeu qu'il s'adonnait là avec Robert n'avait rien d'innocent, même si il en prenait la douce apparence. Un jeu, ils le savaient tout deux, allait certainement finir par les perdre, corps et âme. Du moins, en ce qui concernait le jeune homme, qui se donnait si librement à son amant. Sans artifices, sans conditions. C'est pour cela qu'il ne se défaisait jamais de sa grâce. Il n'était pas sot pour autant, Gabriel savait que Robert n'était pas comme lui, que jamais il ne le pourrait l'être. D'ailleurs, le garçon ne le voudrait pas, il trouvait la perfection en cet homme, et le changer aurait été taché cette symbiose. Il s'agissait là de la définition de la beauté, car on ne voudrait pour rien au monde la modifier. Le serveur trouvait son amant beau. Très beau. Peut-être trop. Il le savait, et se maudissait pour cela. Comme ses coups de sang, son envie personnelle de le posséder.
― Alors profitez bien de votre soirée, Monsieur.
« Oui mon chéri, je te rejoins, attends-moi, s'il te plait... Oui, je sais que tu seras là haut, mais cela durera-t-il toujours ? Je le crains, cela m'effraie... Attends-moi, et aime moi. De tes baisers, de tes caresses, de ton besoin de moi. Il se lève, je ne le quitte pas des yeux, je termine de nettoyer ces verres. Je pense, un peu, qu'il ne connait pas vraiment. Mais faut-il savoir le passé d'une personne pour connaître celle-ci ? Pour la comprendre, il est certain. Je ne sais guère si j'ai envie que tu me comprennes... Mon passé ne me définit pas, il m'a construit, faut-il l'évoquer... ? Non. Non. Je me dépêche de ranger, j'aide cet homme ivre à se lever, une courtisane prend le relais. Je la remercie d'un sourire. Je monte, je me retiens de courir. Personne dans le couloir. Je frappes quelques coups, légers, j'entre et je m'arrête sur le seuil, pris de ce désir si brûlant, déchirant. Je ferme la porte, enlève ma chemise d'un sourire, la laisse tomber au sol. Mon amant, te voilà enfin ».
― Je.. je...Tu m'as tellement... manqué.
Gabriel laissa tomber ces mots, il vint vers Robert. Ses mains se posèrent sur son visage, sur son cou, dans ses cheveux. Il le dévisagea, intensément, et enfin, posa ses lèvres sur les siennes. Dans un baiser d'abord chaste, puis la passion l'enflamme, le laissant haletant.
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mer 3 Nov - 2:58
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mar 21 Déc - 14:28
Ton ange... Oui, mon chéri, ton ange. Le bar, le paradis, d'où je te regarde. Il semblerait que le long comptoir soit une frêle barrière de ce qui m'entoure... Je peux regarder, je peux considérer les gens aux alentours. Ils ne font pas attention, ils ne savent pas qu'on les observe. Moi je n'ai d'yeux que pour toi. Les autres, c'est l'enfer. J'aimerais pourtant crier à la face du monde en me voilant la mienne que tu es mien. Alors je mets toute cette tendresse, ce désir brûlant, dans mon silence. Dans mes regards. Et mes regrets. Un éclair de lucidité m'apporte de bien tristes pensées. Nous le savons, mon amour, que cela ne pourrait continuer ainsi. Mon amour... Cet incendie, cet incident m'a ouvert les yeux. J'ai vécu une vie, différente de celle connue dans le cabaret. Pendant que celui-ci se reconstruisait, j'ai voyagé, j'ai même aimé. Mais d'un amour léger, presque innocent. Il m'apporta insouciance, ce que je manque depuis mon arrivée ici. Dès lors, je parvenais à garder une distance de ce monde débauché. Mais voilà que je descend inexorablement, tel Lucifer. Je suis ton ange, oui, mais déchu. J'avais quelques valeurs dont je me vantais la possession. Que me reste-t-il ? Un peu de toi. Cela est suffisant, bien entendu, lorsque je jouis de tes caresses. Vois, il faut croire que c'est la société qui m'a définitivement abîmée. Je... ne devrais pas dire de telles choses. La reprise fut difficile, tu dois le savoir. Beaucoup d'euphorie et d'affolement dans les coulisses. Que j'aimais auparavant arpenter. Voilà que je me lasse... Et François qui me presse de partir avec lui pour Paris. Moi, je voudrais seulement retourner au domaine irlandais de mon oncle, courir avec toi le long de la galerie de glace, vivre de plaisirs charnels... Parfois, quand épuisés de nos débats enflammés, nous pourrions nous rendre dans le village voisinant. Inconnus, de simples habitants, loin de toute agitation. Bien sûr, nous ne connaîtrons pas la lassitude, car les deux amants que nous sommes se suffiront à eux-même. Or ce que je souhaite ne compte pas. Mes parents me l'ont bien fait comprendre. En me l'envoyant, ils ont osé ! J'ai voulu l'aimer, Elisabeth me l'a rendu chèrement. Je ne pensais pas que l'amour avait un prix. Alors mon amour, si je suis toujours avide de tes baisers, c'est que j'ai bien peur de ne plus en être rassasié. Ce désir me blesse, je ne serais jamais guéri de toi. Mais c'est bien la seule blessure qui vaille d'être éprouvée. Il faut que je te murmure des mots d'amour. Je m'étends sur toi, je te respire. Habilement, en faisant jouer mes muscles, je laisse tomber au sol mon haut. Ma peau frisonne sous tes caresses, mes lèvres sont entrouvertes d'un plaisir non dissimulé. Il est l'heure pour mes sombres pensées de battre retraite, tu es bien le seul qui les effraie cher amant. Prend et aime moi...
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Sujet: Re: Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR. Mar 21 Déc - 15:17
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Il faut être toujours ivre, feat Robert J. F. Elias JR.
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